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La dette entre don et devoir
François Athané, dessins: Michael Blümel



(Ce texte est la version abrégée d'une allocution prononcée au séminaire d'études doctorales de Didier Deleule à l'Université de Paris X )

Pourquoi s'intéresser à la dette aujourd'hui ?

Il y a d'abord à cela un intérêt politique : des débats politiques contemporains se centrent autour de la question de la dette des pays pauvres à l'égard des institutions financières internationales. Dans les diverses luttes pour une autre mondialisation, de plus en plus d'associations militantes, voire de partis politiques, font leur cheval de bataille de la critique de la dette dite odieuse entre les pays pauvres et le FMI ou la Banque Mondiale.
A ce premier intérêt de la notion de dette et de ses conditions de légitimité dans le champ géopolitique contemporain vient s'ajouter une deuxième raison de s'intéresser à la notion de dette, à un niveau cette fois plus anthropologique et théorique. On peut en effet observer que dans le champ intellectuel français un nombre croissant de théoriciens se sont emparés de la notion de dette pour décrire et réfléchir les rapports sociaux. Le niveau d'analyse se situe cette fois non pas entre les Etats, mais à l'intérieur d'une société. On pourrait prendre plusieurs exemples illustrant cette tendance récente à réinvestir la notion de dette pour la mettre au fondement du lien social : a) par exemple, certains ont tenté de penser les rapports intergénérationnels en général et la question du régime de retraites par redistribution en termes de dettes entre les générations, en faisant de la retraite par redistribution une forme de réciprocité différée : si les actifs doivent aujourd'hui subvenir aux besoins des retraités, c'est parce qu'hier les retraités étaient actifs et ont alors financé la formation des actifs d'aujourd'hui. La synchronie de la redistribution dissimulerait une forme de réciprocité différée au cours de laquelle une dette serait symboliquement contractée et remboursée. b) A un niveau plus fondamental encore, divers auteurs ont tenté de repenser les fondements des sociétés humaines en termes de dette : en mobilisant par exemple l'immémoriale notion de la " dette de vie ", sorte de dette constitutive de l'homme et qu'il contracterait par le fait même d'être en vie, à l'égard de ses parents en particulier et de la société humaine en général. Cette idée peut paraître en première approche extravagante et seulement métaphorique ; mais il n'est pas sûr que l'on puisse trouver un vocabulaire plus approprié pour expliciter ce qu'elle tente de dire.
C'est le cas avec la publication en 1998 aux ed. Odile Jacob de l'ouvrage collectif sous la direction de Michel Aglietta et André Orléan, La Monnaie souveraine où l'antique notion de " dette de vie " est remobilisée :

" … il ne faut pas considérer qu'à l'origine la dette est un rapport entre sujets indépendants, comme dans la finance privée contemporaine : la dette est le lien social qui définit ce que sont les sujets dans telle ou telle société. Ce ne sont pas des individus préalablement non sociaux qui créent le lien social en établissant des contacts entre eux. La dette originaire, ou primordiale, est à la fois constitutive de l'être des individus vivants et de la pérennité de la société dans son ensemble. C'est une dette de vie. Dans son acception archaïque, cette dette est reconnaissance d'une dépendance des vivants à l'égard des puissances souveraines, dieux et ancêtres, qui leur ont consenti une part de la force cosmique dont elles sont la source. Le don de cette force, qui permet à la vie de se maintenir, a pour contrepartie l'obligation des vivants de racheter, leur vie durant, cette puissance vitale dont ils ont été faits les dépositaires. Mais la série continuelle des rachats n'épuise pas la dette originaire : elle construit la souveraineté et cimente la communauté dans ses travaux et ses jours, notamment à travers les sacrifices, les rituels et les offrandes. La plus grande erreur que l'on puisse faire (…) ce serait de rejeter le concept de dette primordiale sous prétexte qu'on ne pratique plus le langage de la tradition qui nous l'a légué. (…) Dans les sociétés ouvertes sur l'avenir, l'hypothèse de la dette de vie comme fondement du lien social aurait cessé d'être pertinente. Tel n'est pas notre point de vue. Nous pensons, au contraire, que la dette primordiale demeure le concept adéquat qui permet de penser le tout de la société et son mouvement ".

La dette est ici présentée comme une nécessité structurelle du lien social. Celui-ci n'est pas essentiellement contrat, mais dette. Il y a un dû originaire.
Mais on aura remarqué que dans ces deux séries de discours contemporains sur la dette (le discours militant d'une part, le discours anthropologique d'autre part) le mot dette n'a pas exactement le même sens :
Dans le premier cas il s'agit de la dette et de l'endettement au sens strict, comme rapport économique entre deux entités, deux sujets de droit avec un contrat initial, un prêt et un remboursement différé.
Dans le second cas la dette n'est pas seulement matérielle. Il s'agit d'une dette constitutive de l'homme, une dette existentielle car le seul fait d'exister dans une société nous placerait en dette. Cette dette serait sans contrat initial et elle ne serait pas entre deux individualités, deux personnes : elle serait le lien premier de l'être humain à autrui et à tous les autres, fondement des obligations sociales et des actes sociaux, ainsi que des échanges entre humains.
Le but de cet exposé est d'examiner la pertinence de cette conceptualisation du lien social comme dette.
Pour cela, je me propose
1. de faire une brève histoire des analyses récentes de la dette primordiale, ou dette de vie,
2. il faudra ensuite tenter d'élucider les rapports qui existent entre les deux acceptions de la notion de dette, la dette au sens économique et matériel, et la dette au sens existentiel. Il faudra alors analyser les rapports des deux concepts voisins de la dette et du devoir, [en distinguant ce qui est dû à tous, et qu'il convient peut-être de nommer " devoir ", de ce qui n'est dû qu'à un seul ou quelques uns, auquel revient peut-être plus spécifiquement le terme de " dette "]. Ce travail prendra deux directions : l'analyse conceptuelle du devoir et de la dette, mais aussi l'étude génétique de la possible précession que l'on peut établir de la dette sur le devoir.
3. Je tenterai ensuite de savoir si toute forme de réciprocité différée est analysable en termes de dettes, et plus généralement, si toutes les formes du lien social empiriquement observables dans la diversité des sociétés humaines se laissent réduire à la notion de dette.

I. Brève histoire de la notion de dette de vie

La remobilisation de l'antique notion de dette de vie provient de l'œuvre de l'anthropologue et linguiste de l'inde ancienne, Charles Malamoud. Divers auteurs ( Aglietta et Orléan ) tentent d'universaliser les travaux de Malamoud et la notion de dette de vie à toutes les sociétés.
Aux sources de ce courant de recherches, on trouve donc les études de Malamoud sur la théologie de la dette dans l'inde brahmanique : plusieurs textes védiques ou commentaires des veda parlent de la dette constitutive de l'homme, la rnà dans le terme sanscrit. Ainsi le texte suivant, tiré du Satapatha-Brahmana, traduit par Sylvain Lévi et cité par Malamoud :

"Tout être en naissant naît comme une dette due aux dieux, aux saints, aux pères, aux hommes. Si on sacrifie, c'est que c'est là une dette due de naissance aux dieux ; c'est pour eux qu'on le fait, quand on leur sacrifie, quand on leur offre des libations. Et si on récite les textes sacrés, c'est que c'est là une dette due de naissance aux saints ; c'est pour eux qu'on le fait, et qui récite les textes saints est appelé 'le gardien du trésor des saints ". Et si on désire de la progéniture, c'est que c'est là une dette due de naissance aux pères ; c'est pour eux qu'on le fait, que leur progéniture soit continue et ininterrompue. Et si on donne l'hospitalité, c'est que c'est là une dette de naissance aux hommes ; c'est pour eux qu'on le fait quand on leur donne l'hospitalité, quand on leur donne à manger. Celui qui fait tout cela a fait tout ce qu'il a à faire ; il a tout atteint, tout conquis. Et parce qu'il est de naissance une dette due aux dieux, il les satisfait en ceci qu'il sacrifie. "

Toute vie humaine est dette, et toute action inscrite dans un cadre social est règlement d'une dette : aussi bien le fait de faire un sacrifice que de nourrir l'étranger ou d'avoir des enfants : lorsqu'il a un enfant, l'homme s'acquitte de sa propre dette envers ses ancêtres en perpétuant leur lignée, leur descendance. Du même coup c'est son fils qui devient le porteur de cette dette : il devra, lui aussi, enfanter, et offrir des sacrifices aux ancêtres. Avoir un fils, c'est cesser d'être débiteur et devenir potentiellement ancêtre, c'est-à-dire créancier :
" le lien entre ces deux sortes de dettes est très fort. Les traités de dharma justifient l'obligation, pour le fils, de payer les dettes de son père mort en la rattachant au devoir proprement religieux de lui offrir les pinda destinés aux mânes " Purusharta, p. 55.
" mais ce qui surtout est remarquable c'est la force des liens qui unissent la dette religieuse à la dette matérielle. Le passage d'un registre à l'autre est constant (…) La dette matérielle est une image, une manifestation particulière de la dette congénitale, c'est-à-dire, en somme, du fait que l'homme est mortel " Purushartra, p. 60-61
Dans la théorie indigène du brahmanisme, il y a donc deux niveaux de réflexion sur la dette.
1. un niveau matériel, les dettes économiques
2. un niveau immatériel, existentiel : le concept s'universalise, toute vie humaine est dette, toute relation sociale est paiement d'une dette
Or, chez Aglietta, Orléan et leurs collaborateurs, on retrouve exactement cette même structure : la dette est d'une part contrat entre personnes privées, dette économique et matérielle, mais elle est aussi d'autre part dette originaire, existentielle et immatérielle, dette de vie.
Mais l'homologie de structure entre la théorie indigène de la dette et la théorie scientifique de la dette va plus loin : de même que selon Malamoud, la dette matérielle n'est qu'une forme de la dette religieuse, de même, chez Aglietta et Orléan, la dette originaire n'est pas la dette matérielle, c'est au contraire de la dette immatérielle que découlent les dettes matérielles.

" … il ne faut pas considérer qu'à l'origine la dette est un rapport entre sujets indépendants, comme dans la finance privée contemporaine : la dette est le lien social qui définit ce que sont les sujets dans telle ou telle société (…) La dette originaire, ou primordiale, est à la fois constitutive de l'être des individus vivants et de la pérennité de la société dans son ensemble. "

Ici apparaît une inquiétude. Les auteurs de La Monnaie souveraine ont repris la conceptualisation brahmanique de la dette de vie pour l'élever à la dignité de thèse scientifique. Alors, de deux choses l'une :
Ou bien la pensée mythique a d'ores et déjà trouvé, dès longtemps, tout ce que la science sociale peut trouver, auquel cas celle-ci ne vaut peut-être pas une heure de peine, parce qu'alors il n'y a pas vraiment de différence entre sociodicée et sociologie.
Ou bien les auteurs de La Monnaie souveraine se sont laissés séduire par l'extraordinaire potentiel de significations et d'interprétations (les esprits chagrins parleraient d'enchantement) offert par la notion de dette pour penser les rapports sociaux, mais en ce cas, une part de leur théorie au moins reste en deçà de la rupture épistémologique qui, si du moins elle n'est pas une chimère, garantirait une séparation stricte entre théorie indigène et théorie scientifique.
Ces réflexions posent, on le voit, le difficile problème du critère de démarcation, en anthropologie, entre les théories indigènes et les théories scientifiques. Cette question a été explicitement posée par Claude Lévi-strauss dans sa préface à Mauss, Essai sur le don, au sujet du Hau (1) . Selon Lévi-Strauss, Mauss est mystifié lorsqu'il prend comme principe explicatif des conduites indigènes la théorie indigène de ces conduites, en oubliant que d'une société à l'autre les pratiques sont objectivement semblables (partout dans le monde le récipiendaire d'un cadeau donne en retour au donateur du cadeau) alors que les légitimations mythiques et idéologiques sont extrêmement différentes. D'où la nécessité, selon Lévi-Strauss, de ne surtout pas s'arrêter à l'étage idéologique de la légitimation consciente pour atteindre l'étage de l'inconscient structural, seul commun à toute l'espèce humaine et seul susceptible d'expliquer l'universalité du principe de réciprocité.

II. Dette et devoir

Des deux hypothèses que j'ai formulées pour expliquer la reprise de la théorie brahmanique dans la théorie d'Aglietta et Orléan, j'entends soutenir la seconde. Il me semble en effet que la science sociale peut faire mieux que le mythe et qu'il y a une différence entre sociodicée et sociologie. Il me paraît préférable de reprendre la critique Lévi-Straussienne et de supposer que les auteurs ont ici été mystifiés par la théorie indigène du brahmanisme. Mais dans cette seconde hypothèse, Il s'agit d'expliquer comment des textes et des représentations vieux de plusieurs milliers d'années peuvent trouver ainsi un relais, c'est-à-dire une connivence, une oreille réceptive, chez des théoriciens contemporains avertis.
Je vais ici soutenir deux thèses :
1. C'est parce qu'il s'opposent à l'interprétation du lien social comme contrat et de la société comme produit de la conjonction des intérêts particuliers que certains auteurs (ceux de La Monnaie souveraine notamment) sont tentés de remobiliser le concept de dette de vie et de le placer au principe du lien social. il faut donc dans un premier temps se livrer à une analyse contextuelle
2. Cette tentation se trouve renforcée et encouragée par le lexique dans lequel s'exprime cette théorie, qui est celui de la langue française où le vocabulaire de la dette et du devoir se trouvent très étroitement entremêlés (idem allemand : Schuld), de telle sorte que la notion de dette peut, de manière récurrente, se présenter comme le modèle de toute obligation sociale. Il faut alors faire une analyse conceptuelle et linguistique.

1. Analyse contextuelle

Si les auteurs de La Monnaie souveraine insistent sur la dette primordiale de l'être humain, c'est parce qu'ils veulent montrer que dans les toutes les sociétés humaines l'ensemble des transactions économiques est alignée à un principe fondateur d'autorité qui les hiérarchise et définit les valeurs qu'elles véhiculent : ce principe d'autorité, ce sont les dieux, ou les ancêtres, ou le roi, ou le corps politique. Ces principes d'autorité seuls rendent possibles la confiance nécessaire aux échanges économiques, la croyance en autrui qui fait que chacun croit que l'autre respectera ses engagements, parce qu'il y un Tiers externe à la relation interindividuelle, qui " pose dans la durée l'existence d'un recours, d'une protection et d'une garantie ", garantie par exemple du paiement des dettes économiques. La pérennité de la vie économique et des échanges entre humains est donc subordonnée à la représentation et à l'existence de ce Grand Autre.
Or l'autonomisation croissante de l'économie de marché par rapport aux souverainetés nationales, dans notre monde actuel et plus particulièrement dans l'Union Européenne, menace cette nécessaire subordination de la vie économique à une instance supérieure capable de garantir la pérennité de la vie économique en cas de conflits entre les parties échangistes. La construction européenne semble reposer sur le présupposé que des rapports purement contractuels suffisent à produire une entité sociale cohérente et stable ; or ce présupposé est, selon les auteurs, universellement contredit par l'histoire des sociétés humaines, qui toutes ont subordonné l'économique à un Grand Autre de type politique ou religieux ayant autorité sur le cours des transactions économiques, dans l'intérêt supérieur de celles-ci. On le voit, la conception du lien social comme dette de vie est la pièce centrale d'un dispositif de réfutation du libéralisme économique pur, et des présupposés contractualistes qui le sous-tendent.

2. Analyse conceptuelle

Ce recours à la notion de dette contre la notion de contrat est lui-même incohérent, comme je vais tenter de le montrer, mais il me paraît s'expliquer par le fait qu'en lui on essaie de formuler une série d'obligations non contractuelles, d'obligations impératives et non négociables et qui paraissent nécessaires à la vie en société. C'est-à-dire que par la remobilisation du concept de dette de vie on tente, en vérité, de formuler un ensemble de devoirs ou d'impératifs fondamentaux pour le vivre-ensemble.
Penser la dette comme modèle et matrice de toutes les obligations sociales est une tendance assez spontanée pour les locuteurs de langue française, parce que c'est par le verbe " devoir " et ses dérivés que nous exprimons aussi bien la dette que l'obligation en général.
Ainsi le verbe " devoir " est employé (1) pour désigner des rapports économiques de payeur à payé, des rapports économiques de dette et d'endettement qui sont élaborés dans un cadre contractuel et juridique précis, le droit des contrats. Le verbe " devoir " est également employé (2) pour désigner des exigences, ou au moins des attentes morales. (3) Le verbe " devoir " sert à exprimer les prescriptions légales, fondées sur la loi, le droit non contractuel : je dois respecter telle ou telle loi.
Réexaminons maintenant le dédoublement de la dette tel que je l'ai déjà présenté dans la théorie d'Aglietta et Orléan :
- un niveau matériel, les dettes économiques
- un niveau immatériel, existentiel : le concept s'universalise, toute vie humaine est dette, toute relation sociale est pensable en termes de dette.
Si toute relation sociale, toute forme d'obligation ou d'échange est dette, alors s'opère la réduction de toute forme d'obligation au modèle de l'obligation fondée dans un contrat, on fait de l'obligation contractuelle le schème archétypal permettant de penser toutes les obligations.
Mais en même temps, le prix à payer de cette généralisation du concept de dette c'est une extension quasi-indéfinie du concept par laquelle on perd beaucoup en précision, on fait une sorte de métaphore : ainsi, nous devons respecter la nature parce que tout se passe comme si nous lui avions emprunté notre être et les ressources nécessaires à notre être. Mais en faisant cette métaphore, l'on s'affranchit de deux présupposés logiques de la dette prise en son sens strict : Le concept est alors nettement transformé dans son sens, puisque c'est une dette
a) sans endettement, sans contrat,
b) sans créancier nettement délimitable, individualisé, une dette auquel manque la dualité des sujets de droit que suppose la dette prise en son sens strict.

Donc, en dédoublant la dette aux niveaux économique et ontologique, ou bien l'on vide les mots de leur sens, ou bien, loin de s'écarter de la logique contractualiste, on universalise le modèle obligataire qui découle du contrat. Ces dérives sont probablement commandées par le lexique du français, dans lequel la dette économique s'exprime par le même lexique que le devoir moral. La théorie est peut-être ici déterminée à son insu par la langue. Le français est une langue de la famille indo-européenne, dont la langue-mère, le sanscrit, comporte dès la plus haute époque un tel entremêlement de la dette et du devoir, à la différence d'autres langues comme le chinois ou la japonais. En effet d'après Malamoud, le terme rna, est dès les plus anciens textes un terme ambigu, qui peut servir à désigner aussi bien le devoir, l'obligation morale, que la dette économique et matérielle.

III. Dette et réciprocité différée

Dans cette partie, je vais étudier trois approches différentes de la notion d'obligation et montrer comment elles divergent de la thèse qui pose la dette comme lien social universel.
1. Mauss, approche comparative
2. Testart, approche typologique
3. Nietzsche, approche génétique
Nous distinguons, dans notre société, la simple exigence morale de réciprocité de la dette à proprement parler, qui est une exigence de réciprocité formalisée juridiquement. Il faut se demander s'il s'agit là d'une particularité culturelle de nos sociétés, ou bien si l'on retrouve cette distinction entre réciprocité informelle et réciprocité formalisée dans d'autres ou dans tous les autres groupes humains. La distinction entre obligation morale et obligation juridique est-elle partout pertinente, est-elle essentielle ? Quelles sont les conditions de possibilité de cette distinction ?

1. Approche comparative de Mauss

Cet ensemble de problèmes a été à la fois soulevé et partiellement occulté par le texte qui, au 20ème siècle, a tenté d'examiner la notion de réciprocité dans ses manifestations empiriques les plus diverses : l'Essai sur le don de Marcel Mauss. Mauss entend montrer l'universalité de la triple obligation de donner, de recevoir et de donner en retour. C'est tout particulièrement la troisième qui m'intéressera ici.
Toute la question est de savoir en quel sens prendre le mot d'obligation dans cette expression d'obligation de donner en retour: est-ce une obligation formalisée, de type juridique (auquel cas il y aurait bien universalité de quelque chose comme la dette ou l'endettement) ou une obligation informelle, morale (auquel cas le terme de devoir serait sans doute plus approprié que celui de dette) ?
Chez Mauss, il y a toutes sortes d'ambiguïtés sur ce point. A propos du potlatch, il écrit :
" Si on donne les choses et les rend, c'est parce qu'on se donne et se rend " des respects " - nous disons encore " des politesses ". Mais aussi c'est qu'on se donne en donnant, et, si on se donne, c'est qu'on se " doit " - soi et son bien - aux autres. " Essai sur le Don, p.227.
On doit tout, parce qu'on se doit aux autres. Les autres : ici, le tout de la société. Parce que la société donne tout, on lui doit tout, on se doit comme tout, soi-même et son bien et sa vie. Le don premier en ce cas, c'est l'être, le fait d'être né, le don de vie : si on se doit tout entier, l'implication logique du principe de réciprocité selon lequel on doit quelquechose d'équivalent à ce qu'on a reçu, c'est qu'on a reçu la vie, que l'être est un don qui nous endette (vis-à-vis des parents et de la société dans son ensemble).
On repère donc deux niveaux de l'obligation de donner en retour chez Mauss :
1. un niveau économique concret, pratique, où l'on peut discerner un don premier qui ouvre un cycle d'échange, 2. et un autre, existentiel-métaphysique, don de l'être, pas de don premier et où l'individu se doit à la société). Cela fait voir que l'obligation de donner ne serait jamais qu'un mode de l'obligation de donner en retour, car on a reçu (au moins l'être, la vie) avant de pouvoir donner. Finalement l'obligation de donner se laisserait réduire à l'obligation de donner en retour. On doit donner, parce qu'on doit rendre à la société qui nous a donné la vie. On le voit : sans thématiser la notion de dette de vie, Mauss effleure cette notion. L'obligation de donner en retour serait essentiellement de nature mythique, éthico-cosmique. Mais nous observerons que cette réflexion ne prend pas vraiment position sur la nature, juridique ou morale, de l'obligation de donner en retour.

2. Approche typologique d'Alain Testart

Le problème de l'obligation est celui d'Alain Testart dans Des Dons et des dieux 1993, Armand Colin : il y a là un problème épistémologique de dénomination et de définition :
Testart veut produire une typologie différenciée des sociétés humaines selon le type de lien social qu'elles actualisent : il propose de réserver le terme d'obligation à l'obligation formalisée, juridique et contraignante, celle dont parle notre droit des obligations, lorsque le créancier peut mobiliser des voies de contraintes contre le débiteur : les Kachin par exemple sont en ce sens une société à dette ; tandis que lorsqu'il n'y a pas de recours contraignant pour faire payer le débiteur, mais qu'il y a seulement perte de prestige à ne pas donner en retour à celui qui a donné, on est dans une société à don, comme avec le potlatch.
En prenant la notion d'obligation au sens strict et juridique, on distingue les cas où la contrepartie de la prestation initiale est garantie : il s'agit alors d'une société de dette. Dans ce cas il peut y avoir par exemple esclavage pour dettes. La garantie de contrepartie, et la sanction en cas de non respect de l'obligation, implique que l'on se trouve dans des sociétés où il commence à y avoir des instances centralisatrices qui tendent à disposer du monopole de la violence légitime. C'est le cas de la Rome et de la Grèce antiques, de notre société, ou de sociétés du sud-est asiatique comme les Kachin de Birmanie. Cela suppose donc un pouvoir politique fort. L'esclavage pour dettes est la garantie ultime qu'une société de ce genre peut offrir aux créanciers.
S'il n'y a pas d'instance politique centrale garantissant la contrepartie de la prestation, par exemple sous la forme de l'huissier, de la prison, ou de l'esclavage pour dettes, si donc rien ne garantit la contrepartie, alors on est dans une société à dons, comme le potlatch dont parle Marcel Mauss.
Par conséquent Testart opte pour don, dette et obligation au sens strict, sans quoi on ne peut plus différencier les sociétés entre elles, on confond les particularismes des constructions culturelles dans une mixture d'universel vague qui ne peut passer pour tel que grâce au flou définitionnel, où les termes sont flous, on reste à un niveau pré-scientifique. Pour Testart c'est l'élaboration juridique des concepts des sciences sociales qui permet d'effectuer la rupture épistémologique ; l'important est de voir que la décision de prendre les termes de dette et de don au sens strict permet de dresser une typologie différenciée de la structure du lien social selon la diversité historique et culturelle que présentent les sociétés humaines.
Cette analyse implique par conséquent que la structure du lien social se différencie selon les sociétés, et qu'il n'y a pas lieu de chercher une forme universelle de celui-ci.

3. Approche génétique et matérialiste de Nietzsche

La démarche de Testart a l'avantage de montrer les corrélations systématiques existant entre les structures économiques et les structures politiques des sociétés. Néanmoins l'approche typologique de Testart a cet inconvénient de ne pouvoir intégrer la dimension diachronique, l'histoire, puisqu'elle se propose de montrer comment la diversité culturelle se laisse déduire de quelques principes hypothético-déductifs très simples : elle place toutes les sociétés, la nôtre comme celle des Kachin, dans le présent perpétuel de la synchronie théorique. Le problème du passage d'une forme à une autre de société, l'ordre génétique, reste à penser.
Sur ce point il peut être fort utile de se référer à Nietzsche, puisqu'il est celui qui a tenté de montrer comment les formes de la morale moderne et du devoir moral découlent historiquement des anciennes formes de la dette économique. L'hypothèse de Nietzsche est radicalement matérialiste puisqu'il entend, dans la deuxième dissertation de la généalogie de la morale, montrer que nos représentations morales découlent de l'économie : nos contenus de conscience et notre langage moral auraient une origine radicalement hétérogène et hétéronome à la morale. Dans les faits, la dette économique a précédé le sentiment du devoir moral.

" Pour inspirer de la confiance dans sa promesse de rembourser, pour donner une garantie de sérieux et du caractère sacré de sa promesse, pour graver dans sa mémoire le devoir de rembourser, le débiteur, en vertu d'un contrat, donne en gage au créancier, pour le cas où il ne payerait pas, un bien qu'il " possède ", dont il dispose encore, par exemple son corps ou sa femme ou sa liberté ou même sa vie (ou, sous certaines conditions déterminées, sa félicité, le salut de son âme, et jusqu'à son repos dans la tombe : ainsi en Egypte où le créancier ne laissait en repos pas même dans la tombe le cadavre de son débiteur (…) Le créancier pouvait notamment infliger au corps du débiteur toute sorte d'humiliations et de tortures, par exemple en découper un morceau qui paraissait correspondre à la grandeur de la dette : - de ce point de vue, très tôt et partout, il y eut des estimations précises, parfois atroces dans leur minutie, estimations ayant force de droit, de chaque membre et de chaque partie du corps (…) C'est dans cette sphère, celle du droit des obligations, que se trouve le foyer d'origine du monde des concepts moraux " faute ", " conscience ", " devoir ", " caractère sacré du devoir " - il a été à son début longuement et abondamment arrosé de sang comme l'ont été à leur début toutes les grandes choses sur terre. Et n'est-il pas permis d'ajouter qu'au fond ce monde a toujours gardé une certaine odeur de sang et de torture ! (même chez le vieux Kant : l'impératif catégorique sent la cruauté). " §§ 5 et 6 de LA GENEALOGIE DE LA MORALE, II, p. 68-69 Folio

Nietzsche a émis l'hypothèse radicalement matérialiste et même économiciste de l'antériorité historique de la dette et de l'endettement sur le devoir moral, celui-ci n'étant que la forme intériorisée et " sublimée " de celle-là, au terme du processus de civilisation.(2)
Mais précisément, parce que nos représentations éthiques sont le produit largement inconscient des structures sociales, il devient possible d'envisager une genèse sociale et inconsciente des rationalisations conscientes du lien social. Cette démarche est esquissée par Nietzsche pour la tradition philosophique du contractualisme par exemple. Ainsi Nietzsche a fort bien montré que la conception du social en termes de contrat est initialement une très ancienne théorie indigène des sociétés germaniques : § 9 de la Généalogie de la Morale II, VERBRECHER, criminel en allemand, c'est le briseur, celui qui rompt le pacte social. Ce terme, selon Nietzsche, signale qu'on a pensé à haute époque l'appartenance à la société comme se fondant sur un contrat entre l'individu et la société. Le contrat étant que l'individu maîtrise ses pulsions agressives en échange de la protection de la société. Et dès lors le pénal, y compris le supplice, serait une dette que le fautif doit à la société.
Selon Nietzsche la conception du lien social comme contrat est donc initialement une théorie indigène germanique. Il en va de même pour la notion de dette de vie : c'est, à l'origine, une théorie brahmanique indigène.
Il est possible ici de formuler une hypothèse générale d'interprétation des théories contractualistes en suivant la réflexion de Malamoud, selon laquelle il est tentant de se représenter tous les devoirs comme des dettes, car ainsi l'on peut se donner une forme de représentation à partir de quoi l'on peut donner sens au devoir(3) . Bien loin que la dette s'oppose au contrat, qu'au contraire elle suppose, il se pourrait que toute la théorisation savante du contrat ait pour fonction de légitimer les devoirs des êtres sociaux en les convertissant en dettes, par lesquelles il s'agit de restituer, compenser une prestation initiale de la société à l'individu : cette prestation serait le don de l'être, le don de la vie et sa conservation, sa protection. J'ai une dette envers la société, à laquelle je dois la vie : cette dette est de respecter les lois, parce que j'ai choisi de recevoir sa protection, que j'aurais pu refuser. Dans cette hypothèse, la conceptualisation du social comme contrat ne serait que la version laïque de l'antique notion de dette de vie. Mais alors ce n'est pas la conception du social comme dette de vie qui nous fera sortir de la contractualisation des rapports sociaux, car la première fut dès longtemps au principe de la seconde, qui n'en est qu'un avatar. C'est tantôt telle théorie indigène, tantôt telle autre dont les théoriciens se saisissent pour l'hypostasier au fondement universel, transhistorique du social : le Contrat, la Dette, la Loi, le Père… Il ne s'agit pas ici de parler de mystification des savants par les indigènes, mais bien plutôt de voir que ce sont là des théories indigènes à part entière.
En effet, le propre des théories indigènes c'est de déshistoriciser le lien social, de le présenter selon une certaine détermination prétendue valable en tout temps et en tout lieu ; et de se déshistoriciser, du même coup, comme théorie, en se présentant comme vérité non négociable (c'est-à-dire comme dogmatique, au sens non péjoratif que Legendre donne à ce terme : ce qui doit être dit pour que la société soit). Au contraire, la théorie scientifique du monde social est celle qui refuse d'examiner le lien social autrement que comme construction historique.
Prétendre dire l'ultime ratio du lien social, comme les auteurs de la Monnaie souveraine, c'est s'exposer au risque de faire une théorie indigène, une sociodicée tout en croyant faire de la science. De ce point de vue, renoncer à prétendre élucider des fondements transhistoriques du social (comme en linguistique il a fallu renoncer à penser la langue originelle) c'est la rupture épistémologique entre théorie indigène et science.

Conclusion :

Nous avons examiné la thèse selon laquelle le lien social fondateur serait la dette, et la condition sociale de l'être humain une situation d'endettement originaire. J'ai émis l'hypothèse que cette idée rencontre sa limite dans le fait que tout effort de caractérisation de la nature ultime du lien social comporte une dimension normative peut-être irréductible, qui amène à hypostasier une conception déterminée du lien social en l'universalisant à toutes les sociétés.
En effet chaque société produit historiquement sa propre représentation du lien social, qui se fait passer pour allant de soi auprès des membres de cette société, qui perçoivent cette conception du lien social comme non négociable et universelle ; son caractère déterminé culturellement et historiquement n'étant alors plus perçu comme tel par ceux qui en sont les porteurs. Ce phénomène de déshistoricisation et d'éternisation d'une particularité culturelle est sans doute une composante nécessaire de la mystification, c'est-à-dire de l'adhésion et de la remise de soi de l'individu au groupe humain dont il est membre.
Concernant la notion de dette, il est de la plus haute importance d'observer la façon dont la dette est un cristallisateur de croyances indigènes et un schème d'auto-interprétation fécond pour la condition humaine. On trouve cela chez les auteurs que j'ai discuté ici, mais cela est mêlé à une forme d'incantation , à de la croyance, à des thèses en dernière analyse normatives. Or il faut avoir fait le deuil des effets enchanteurs de la sémantique de la dette et du point de vue surplombant qu'elle offre l'illusion d'obtenir sur l'ensemble des rapports sociaux et des sociétés humaines, pour enfin pouvoir observer les effets de cette sémantique dans l'imaginaire et les pratiques sociales.
Selon qu'un auteur décide ou non de faire l'histoire d'un mot avant de l'employer, d'examiner le réseau de significations dont il est porteur et les anciens imaginaires qu'il véhicule ; ou que l'auteur décide de la langue qu'il compte employer en s'astreignant à l'ascèse des définitions juridiques des termes : il est probable que la rupture épistémologique entre théorie indigène et théorie scientifique soit nécessairement liée à un usage ou bien indigène, ou bien scientifique de la langue naturelle. L'enchantement, en ce sens, ce ne serait rien d'autre que d'être guidé par les connotations non explicitées des termes, de sorte que le passage à la métaphore resterait inaperçu de l'auteur comme du récepteur du discours. C'est dans la métaphore que se logerait l'idéologie : pour reprendre l'exemple déjà mentionné, puisque c'est de la Nature que nous tirons notre existence et nos moyens d'existence, tout se passe comme si nous lui devions quelque chose, comme si nous étions en dette vis-à-vis de la Nature - et, latente, affleure l'idée que la Nature est un sujet de droit, une personne ou un être intelligent. Il y a donc un travail de conversion à effectuer sur la langue elle-même, de son usage indigène à son usage savant. Car c'est la langue qui conserve l'archaïque et contient à l'état potentiel tout un imaginaire du cosmos et de la société.
Ce qui importe donc au point de vue de la connaissance anthropologique, c'est peut-être moins d'énoncer l'ultima ratio du lien social que de comprendre et décrire la façon dont se produisent et se reproduisent de telles croyances fondamentales, qui ouvrent simultanément à l'individu la double possibilité d'une part de se représenter et de penser sa propre existence, peut-être même de lui donner un sens, et d'autre part d'être par-là même aliéné au tout de la société dont il est membre, aliénation qui passe précisément par le fait que l'horizon de valeurs et de croyances qui lui est ainsi offert est exclusif de tout autre. Ce qu'il s'agit donc d'élucider, c'est donc moins la dette primordiale que la créance primordiale (au sens de croyance, crédulité) que l'individu est comme nécessairement contraint d'accorder à un imaginaire social historiquement déterminé qui l'amène à se penser comme devant faire ceci plutôt que cela, vouloir ceci plutôt que cela.
Ainsi, chez Pierre Bourdieu : le lien social est bien plutôt du ressort non pas de la dette mais de la créance au sens de croyance. La croyance est le ressort de la domination et en même temps du lien social. Dans Les Structures sociales de l'économie, Bourdieu analyse les motivations et les effets de l'endettement : si aujourd'hui des femmes, des hommes, des couples contractent des dettes auprès des banques pour dix ou vingt ans, dettes qui auront des effets considérables sur leur mode de vie et qui exigeront des sacrifices très sévères, c'est parce qu'ils croient qu'être le propriétaire de sa maison individuelle est le comble du désirable et du bonheur. Je crois que je vais être heureux dans ma maison. Ainsi beaucoup se trouvent attachés pour longtemps à un lieu qui les habite plus qu'ils ne l'habitent, car le lieu induit diverses formes de sociabilité, d'organisation du mode de vie quotidien. L'asservissement passe par le crédit que l'on accorde aux fables que la société se raconte à elle-même (Marcel Mauss : " En définitive, c'est toujours la société qui se paie elle-même de la fausse monnaie de son rêve "), fables de la publicité pour les maisons individuelles (ou, tout aussi bien, fables de l'intégration à l'économie mondiale libérée de toute régulation étatique, auxquelles adhèrent souvent les élites dirigeants des pays en voie de développement, etc.)
Ce qui est d'autant plus frappant, c'est que Malamoud a clairement vu que la créance (au sens de croyance, crédulité) est logiquement première par rapport à l'imposition de la notion de dette de vie et de la conception de la condition humaine comme être en dette :

" Pourquoi, en effet, fait-on des sacrifices, pourquoi les célèbre-t-on dans les formes prescrites ? Mille raisons sont invoquées. Mais en fin de compte, ces raisons ne sont valides que parce que la Parole védique enseigne qu'il faut avoir foi dans ce qu'elle dit, dans la vérité qu'elle affirme être. (…) La parole ne peut définir l'homme comme débiteur que parce que celui-ci a envers elle une dette de croyance. Il est tenu de lui faire confiance absolument, infiniment ; en d'autres termes, de lui donner un crédit illimité. " La Monnaie souveraine, p. 51-52.



Bibliographie :

Aglietta, Michel et Orléan, André, (dir), 1998 : La Monnaie souveraine, Paris, Odile Jacob.

Benveniste, Emile, 1951 : " Don et échange dans le vocabulaire indo-européen ", in L'Année sociologique, 3° série, t. II, pp. 7-20. Repris dans Problèmes de linguistique générale, Paris, Gallimard, 1966, t. I, pp. 315-327.

Benveniste, Emile, 1969 : Le Vocabulaire des institutions indo-européennes, Paris, Minuit, 2 vol. Ch. 15, 16 et 17.

Bourdieu, Pierre, 2001 : Les structures sociales de l'économie, Paris, Seuil.

Levi-Strauss, 1950: " Introduction à l'œuvre de Marcel Mauss ", in Marcel Mauss, Sociologie et anthropologie, Paris, P. U. F., pp. IX-LII. (4° édition augmentée en 1968).

Malamoud, Charles, 1980 : " Dette ", in Encyclopedia Universalis, t. VII, p. 297 et sq.

Malamoud, Charles, (dir.), 1988 : Lien de vie, nœud mortel. Les représentations de la dette en Chine, au Japon et dans le monde indien, Paris, EHESS.

Malamoud, Charles, 1989 : " Théologie de la dette dans les brahmana ", in " La dette ", n° spécial, Purusartha, Paris, EHESS, pp. 39-62.

Mauss, Marcel, 1925 : " Essai sur le don. Forme et raison de l'échange dans les sociétés archaïques ", in Année sociologique, nouvelle série, t. I (1923-1924), pp. 30-186. Repris dans Sociologie et anthropologie, Paris, P.U.F., 1950, pp. 143-279.

Nietzsche, Friedrich, 1887 : Zur Genealogie der Moral, Berlin, Walter de Gruyter & Co. Trad. I. Hildenbrand et J. Gratien, La Généalogie de la morale, Paris, Gallimard, 1971.

Testart, Alain, 1993 : Des dons et des dieux, Paris, Armand Colin.

Testart, Alain, 2001 : L'esclave, la dette et le pouvoir, Paris, Editions Errance.



(1)
Voir article du même auteur, Le don et l'excès, dans le numéro 4

(2)
Voir § 16 (la formation de la mauvaise conscience par retournement de la violence de l'individu contre lui-même, puisqu'il ne peut plus la défouler au dehors, car il risque des représailles, §19 : le rapport entre vivants et ancêtres est pensé sur le mode débiteurs/ créanciers, de là provient l'idée des dieux

(3)
Malamoud écrit : " Modèle du devoir, le devoir-rendre [c'est-à-dire la dette] est souvent l'identité que se donnent les autres devoirs : il est satisfaisant de reconnaître, dans le devoir, la dette, et d'assigner ainsi au devoir une origine et une justification. " La dette est fréquemment prise comme modèle du devoir, p.9 Lien de vie, nœud mort



Paris, 2003

François Athané: sur l'auteur
Michael Blümel: sur l'artiste

 

   
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